Début mars 2021, mes pas m’amènent au plus grand des Etangs Mellaerts. Première surprise : l’étang est réduit à quelques flaques d’eau et à un ruisseau creusant son sillon dans une vase nauséabonde. Les oiseaux d’eau habitués à évoluer gracieusement sur l’étang se bousculent sur ce filet d’eau courante.
Je me souviens alors avoir lu qu’un « assec » de cet étang était prévu de décembre 2020 à mars 2021.
Selon Bruxelles Environnement, les objectifs poursuivis sont les suivants :
« remplacer le moine de vidange
augmenter la résilience et la capacité auto-épuratrice du plan d’eau par une diversité biologique accrue grâce à :
- l’oxygénation du fond de l’étang
- la minéralisation de la couche superficielle de vase
- le rafraîchissement de l’eau et
- la relance du développement des grandes plantes oxygénantes sur base des herbiers existants
Cela s’appelle « biomanipulation ».
Elle se justifie par une qualité d’eau assez dégradée ce qui a surtout été visible ces derniers étés avec des blooms importants de certaines algues toxiques et la disparition des grandes herbes » .
Deuxième surprise : d’énormes moules ouvertes et vidées de leur contenu, que j’avais d’abord prises pour de gros cailloux, jonchent la vase. Un véritable cimetière de moules.
Il s’agit en fait d’anodontes. L’anodonte est le plus grand mollusque d’eau douce d’Europe. Certains spécimens peuvent atteindre une vingtaine de centimètres de long.
Mais qu’est-il donc arrivé à ces anodontes ?
Ils peuvent vivre plus de cent ans. Le comptage du nombre de stries légèrement en relief visibles sur la face externe des valves donne une idée de l’âge du mollusque. Quant à la face interne de l’anodonte, elle est douce au toucher et elle présente une couche nacrée aux reflets irisés. L’anodonte vit enfoui dans la vase. Il trouve dans l’eau les particules organiques dont il se nourrit. Il aspire cette eau nourricière et après l’avoir filtrée, il la rejette en grande quantité. En rejetant cette eau épurée, il participe au maintien de la qualité de l’eau de l’étang.
L’eau en se retirant a laissé à découvert une petite partie de la moule enfouie dans la vase. La moule peut survivre assez longtemps dans la vase. Mais elle est désormais plus visible et accessible pour les prédateurs à plumes et à poils qui s’empressent de l’extraire de sa gangue vaseuse pour se délecter de sa chair.
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Une fois l’étang remis à niveau, d’autres anodontes reviendront et ceux qui ont survécu poursuivront leur étrange croissance.
Grâce à cette mise à sec de l’étang, l’existence de ce mollusque habituellement invisible a été révélée au grand public.
Raymond Delahaye